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L’Europe a soixante ans, Le Cercle des Européens fête son anniversaire au Sénat le 18 avril 2017

Permettez-moi tout d’abord de remercier Gérard Larcher, Président du Sénat, mon ami François Zocchetto, Président du groupe UDI et bien sûr, Jean-Louis Hérin auquel me lie une vieille et fidèle amitié, actuellement Secrétaire général du Sénat. Sans eux, cette manifestation n’aurait pu se dérouler ici, au lieu même où Victor Hugo, Sénateur, a lancé son appel pour les Etats-Unis d’Europe en prédisant que « un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées ».

Eh bien, si tout n’est pas parfait que ce soit en France ou en Europe, nous n’en sommes pas moins là, aujourd’hui, où Victor Hugo pensait que nous devions aller. C’eût donc été bouder son plaisir que de ne pas reconnaître après 60 ans le parcours impressionnant, et même inespéré, de la Communauté devenue Union européenne.

Il peut paraître étrange de fêter l’Union européenne hic et nunc en pleine campagne présidentielle alors que, comme le constatent avec étonnement, voire effroi, nos voisins européens et même au-delà, cette campagne renvoie essentiellement à la vision négative qu’auraient les Français de l’Europe. A l’exception notable d’un ou deux candidats, dont le plus jeune d’entre eux, en effet, les thèmes de campagne oscillent entre défiance envers l’Europe, dans le meilleur des cas, et pure détestation, dans le pire. Aussi ai-je considéré comme Présidente du Cercle des Européens, que l’occasion ne devait pas être manquée de rappeler que l’Europe et la France ont partie liée et qu’il faut être fier de l’héritage. L’Europe, la France et les autres Etats-nations du continent ont su bâtir, au lieu de le subir de guerre en guerre, leur destin commun : c’est vrai non seulement géographiquement – dans un continent enfin réunifié de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord - mais aussi économiquement – l’Europe est encore la première puissance mondiale - socialement – c’est le seul continent qui conjugue libéralisme économique et protection sociale – et en définitive, politiquement. Personne n’est dupe en effet : le marché est une réalisation de l’Union européenne dont l’objectif est politique.

C’est cet objectif qu’il faut réaffirmer avec force dans un monde qui change et face à la tentation des grandes puissances de reconstituer des empires. Le dernier épisode en date est celui de la Turquie autoritaire d’Erdogan où, de mes amis, des personnalités de grande valeur, sont en grande difficulté, pour ne pas dire plus, et auxquels je pense avec une grande tristesse. Quant au Président Trump, il a la franchise d’annoncer et de dire même souhaiter l’effondrement rapide de l’euro et la disparition subséquente de l’Europe… Pour lui, l’OTAN n’est soudainement plus obsolète, mais l’Europe le reste… au moins jusqu’à plus ample informé.

C’est dans ce paysage international assombri et en proie à la violence politique que cette célébration des 60 ans de l’Europe par le Cercle des Européens prend son sens.

Pourquoi un Cercle des Européens ?

J’ai créé cette association, animé par Julien Miro, après avoir quitté le ministère des Affaires européennes en 2004, convaincue que j’étais, avec mes conseillers de l’époque, qu’il fallait garder au chaud une flamme européenne que je sentais chancelante en France; ce qui s’est confirmé avec le rejet du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel. Ce vote reste une blessure dont les conséquences sont plus néfastes à mon avis que le Brexit qui était hélas inscrit dans l’histoire. Comme l’a dit Valéry Giscard d'Estaing lors d’une soirée-débat à l’ambassade d’Allemagne, « la France a alors perdu son statut de membre fondateur ». Les mots sont forts, mais il faut bien constater que la France a, en mai 2005, abandonné sa vocation historique de leadership européen.

L’échec du référendum, à peine un an après la création du Cercle, nous a renforcé dans notre détermination à ne pas baisser les bras, et à continuer à entretenir un dialogue continu avec les décideurs européens, politiques et administratifs (commissaires, ministres, parlementaires, directeurs généraux de la Commission, ambassadeurs), économiques (dirigeants des banques européennes et des autorités financières), juridiques (juges européens) et sociaux (syndicalistes patronaux et salariés).

De ce dialogue, j’ai retiré l’idée que la désaffection des citoyens envers l’Europe tenait à des causes aussi bien objectives (la crise économique de 2008 plus profonde qu’on ne l’imaginait, et pour ce qui est de la France, un chômage persistant depuis des décennies), que subjectives (l’ignorance dans laquelle les Français se sont tenus vis-à-vis de l’Europe dont le fonctionnement institutionnel orienté vers la recherche de solutions, plus que vers la confrontation est bien éloigné de celui de notre monarchie républicaine). Le Cercle a aussi émis des propositions comme celle par exemple d’unifier les règles de base d’un impôt européen sur les sociétés, source de simplification pour les entreprises et de sécurisation pour les Etats. Le projet existe, il faudrait simplement un minimum de consensus et de la volonté politique.

Pourquoi il faut passer à la vitesse supérieure ?

Au-delà de ces propositions techniques, il fallait faire quelque chose : l’heure est grave pour nous Européens. L’hypothèque qui pèse sur la cohésion politique de l’Union se fait plus menaçante. La crise migratoire sans précédent que nous vivons, le décrochage économique et politique de la France qui a enrayé le moteur franco-allemand et les dangers extérieurs dus aux initiatives internationales erratiques de dirigeants se faisant apprentis sorciers sont préoccupants. Quelle conclusion en tirer : faut-il relancer l’Europe ou l’affaiblir ?

Nous avons choisi la première option, et à notre modeste niveau, avons décidé de lancer trois initiatives :

1. La première est la publication en lien avec l’Association des amis d’Honoré Daumier, d’un ouvrage de caricatures sur l’Europe – de Daumier à nos jours.

Il comporte des dessins anciens et contemporains et des contributions d’auteurs prestigieux : Pierre Allorant, Jean Audouze, Frank Baasner, Denis Jeambar, Julia Kristeva, Michel Melot, Jacqueline Rémy, Dominique Reynié, Dominique Schnapper, Jean-Eric Schoetll, Thierry Sueur, Nicoals Tenzer et Gérard Unger : ils sont écrivains (Marc Lambron, de l’Académie Française, en est le préfacier), professeurs de droit et membres des juridictions (Conseil d’Etat et Conseil constitutionnel), scientifiques, journalistes, économistes, politologues, responsables d’entreprises, historiens et critiques d’art. Ce foisonnement est à l’image de la diversité culturelle et des sensibilités présentes dans la culture européenne.

Ce livre se veut aussi un hommage à nos amis de Charlie Hebdo qui avaient participé à de précédents ouvrages de l’Association des amis d’Honoré Daumier. Ils sont morts au champ d’honneur de la liberté de penser et de dessiner et jamais ils ne seront oubliés. Aussi le livre est-il le reflet d’une révolte car la liberté d’expression – « la plus précieuse », comme le dit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 - a été conquise après des siècles de haute lutte. Comment pouvions-nous imaginer qu’elle doive de nouveau de nos jours être défendue cette fois-ci contre un extrémisme islamiste mortifère ?

2. La seconde initiative, qui se veut un message de progrès, est la création d’un prix du « Découvreur européen de l’année » qui sera attribué à partir de 2018.

Son jury vient d’être constitué. Il est composé de scientifiques d’exception, deux hommes – Cédric Villani et Jacques Stern – et deux femmes – Alice Dautry et Marion Guillou. L’Europe, c’est la culture, mais c’est aussi le progrès scientifique et la foi dans notre capacité d’améliorer la condition humaine, et d’alléger ses souffrances.

L’Europe est un espace de recherche d’excellence fortement encouragée et financée par l’Union européenne. Les chercheurs y forment un réseau, relié au reste du monde, à la source d’avancées médicales, de solutions de développement durable et de transformations numériques extraordinaires. Les Européens le savent-ils ? Pas assez. Sont-ils conscients de la possibilité qui leur est ainsi offerte de peser sur l’avenir de nos sociétés ? Ce n’est pas sûr.

Le prix du Découvreur européen de l’année a pour but de donner de la visibilité au travail de ceux dont le génie fait avancer la science et la société.

3. Last but not least : une association se crée, qui n’a jamais existé à ce jour, pour regrouper à travers le continent les anciens ministres des affaires européennes : le Club MFE (Ministers for Europe).

Quinze anciens ministres ayant eu la charge des Affaires européennes, en tant que ministres des Affaires étrangères ou de ministres délégués en sont les membres fondateurs.

Ce sont en dehors de moi-même, Michel Barnier (France, ancien commissaire européen), Harlem Désir (France), Benita Ferrero-Waldner, (Autriche, ancienne commissaire européenne), Peter Friedrich (Allemagne), Mircea Geoana (Roumanie), Gunter Gloser (Allemagne), Claudie Haigneré (France), Gunnar Lund (Suède), Denis MacShane (UK), Antonio Monteiro Martins (Portugal), Ramon de Miguel (Espagne), Janez Potocnik (Slovène, ancien commissaire européen), Dick Roche (Irlande), Vicenzo Scotti (Italie). Michel Richard, ancien directeur du Sénat, a accepté d’en être le secrétaire général.

Pourquoi un club MFE ? C’est simple : comme il y a eu en France les hussards de la République, ces enseignants sous la Troisième République en France dont la mission était d’ancrer notre pays dans la démocratie et de promouvoir le civisme, les membres de ce club pourraient être, toute proportion gardée, des hussards de l’Europe portant haut la cause de l’Union européenne, par la parole, l’écrit et l’échange d’expériences.

Pour finir sur une note humoristique et dire aussi tout mon regret du Brexit, j’aimerais évoquer une émission à laquelle j’ai participé sur la BBC avec un député britannique passablement eurosceptique. Après avoir stigmatisé une France empêtrée dans ses problèmes et son immobilisme, il m’a interpellé sur la supériorité de l’Angleterre inventeur de la démocratie et qui n’avait que faire de l’Europe incapable de rivaliser avec Westminster.

C’est vrai, lui-dis-je, les Britanniques ont cette supériorité que les philosophes des Lumières en France, dont Voltaire et Diderot, admiraient jusqu’à être atteints d’une anglophilie qui étaient tout le contraire d’une maladie. Vous avez inventé la démocratie, mais nous sur le continent, avons inventé l’Europe. Et elle reste à ce jour le meilleur antidote à la guerre et à ses corollaires que sont le nationalisme et la tyrannie. Et pour ce qui est de la France, sauf à être ignorant de l’histoire de son pays, on sait bien, pour reprendre la formule du fondateur des Annales d’histoire économique et sociale qu’était l’historien et héros de la résistance, Marc Bloch : « il n’y a pas d’Histoire de France, il n’y a qu’une histoire de l’Europe » !

Noëlle Lenoir, le 18 avril 2017

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