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Intervention du 9/08/08

Le conflit dans cette petite région peu connue de la Georgie qu’est l’Ossétie du Sud concerne les Européens.

Si l’Union européenne peut s’enorgueillir d’être un espace pacifié, le reste du continent ne l’est pas. Que ce soit dans les Balkans de l’ex-Yougoslavie ou dans la région du Caucase de l’ex-Empire soviétique, on n’en finit pas de se battre et - ce qu’il y a de plus grave encore - de se battre pour des revendications, non pas seulement économiques ou politiques, mais ethniques.

Je suis allée plusieurs fois en Georgie, pour la première fois en 1975, sous l’ère soviétique, avec une mission de sénateurs français, puis de nouveau le 25 janvier 2004 pour l’installation du Président Saakachvili à Tbilissi où je représentais la France. Il saute aux yeux que ce pays, qui se tourne résolument vers l’Union européenne, a à cet égard des attentes. L’accession à l’UE n’est pas pour demain et même peut-être pas pour après-demain, mais la Georgie est européenne. Nous ne pouvons nous désintéresser de son sort. La France a du reste des attaches encore plus fortes que d’autres pays elle : Mikhaïl Saakaschvili a fait des études à Strasbourg, à l’Institut des droits de l’Homme, dont il est diplômé, et Salomé Zourabichvili, ancienne ambassadrice de France en Georgie, puis ministre des Affaires étrangères de Georgie, réside maintenant dans son pays d’origine. Elle anime un parti d’opposition au Président de la République, critiquant son pouvoir trop personnel et l’insuffisance selon elle de la lutte menée contre la corruption. Laissant de côté ses positions de politique intérieure, elle a solennellement déclaré à la radio le 9 août que l’heure était venue de revenir à l’essentiel, à savoir son pays et l’intégrité de ce dernier. Et elle a clairement appelé les Européens à ne pas abandonner leur voisin géorgien.

J’ai été frappée le 25 janvier 2004 de voir en grande pompe hisser le drapeau européen à côté du drapeau géorgien, et de constater que dans tous les bureaux officiels, de celui du Président de la République à celui du Premier ministre en passant par ceux d’autres personnalités politiques, on retrouvait le même drapeau bleu aux douze étoiles. Décidément, les symboles !

Comme j’aimerais le montrer, le conflit dans cette petite région peu connue de la Géorgie qu’est l’Ossétie du Sud concerne les Européens.

Quatre conflits faussement « gelés »

Il y avait fort à parier que les zones de « conflits gelés » ne resteraient pas éternellement dans un calme artificiel comme le feu qui couve sous la cendre, mais que l’incendie prendrait. La guerre qui s’est déclenchée aujourd’hui en Ossétie du Sud comme dans le reste de la Géorgie (sans déclaration officielle, mais de manière réelle sur le terrain du fait des incursions russes) est un drame pour les populations de ces contrées.

Du fait, dès la chute du mur de Berlin, de déclarations unilatérales d’indépendance de plusieurs régions, non acceptées par les Etats souverains concernés et encouragées par les pays voisins, il n’y pas moins de quatre conflits gelés dans le Sud Caucase :

• En Azerbaïdjan, le Haut Karabakh, enclave dont la population est en majorité arménienne, connaît une paix fragile depuis le cessez-le-feu de 1994 ; • La Transnistrie, langue de terre à la frontière ukrainienne qui fait partie de la Moldavie (et qui représente 17% de la population moldave), est également en équilibre instable ; • L’Abkhazie en Georgie, dont les 250 000 habitants vivent pour peu de temps semble-t-il sous un régime de cessez-le-feu depuis 1994, est sous influence de la Russie, alors même que ce pays est censé participer aux forces de maintien de la paix qui y sont stationnées ; • Enfin, l’Ossétie du Sud, petite région de Géorgie avec ses 75 000 habitants, est limitrophe de l’Ossétie du Nord qui est en Russie. Le conflit armé qui vient d’y éclater a mis fin au cessez-le-feu décidé en 1992 pour marquer l’arrêt d’une guerre meurtrière de plusieurs mois qui s’était déclenchée après l’effondrement du bloc soviétique. Dans toutes ces régions, des forces de l’ONU composée de personnels de l’OSCE sont chargées du maintien de la paix.

Vestiges de la guerre froide et odeur du pétrole et du gaz

Depuis quelques temps déjà, on s’attendait à un conflit ouvert en Abkhazie. Des troubles se fomentaient dans cette région que la Russie considère comme devant retourner dans son giron. En Abkhazie comme en Ossétie du Sud, les habitants se sont vus accorder en effet des passeports russes alors même que les autres Georgiens sont astreints à obtenir des visas pour pouvoir passer la frontière russe.

C’est en Ossétie du Sud que la bataille armée a commencé dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 août. Le gouvernement géorgien est intervenu pour y « rétablir l’ordre constitutionnel » Traduire : dissuader les Ossètes de toute velléité d’indépendance ; montrer à la Communauté internationale que la Géorgie - 5 millions d’habitants – est prête à se battre contre la Russie – puissance nucléaire mondiale ; chercher ce faisant à reprendre le contrôle d’une région qui s’est totalement autonomisée par rapport au gouvernement géorgien.

Les rapports entre Vladimir Poutine et Mikhaïl Saakachvili sont frontaux. On sait que le premier considère l’éclatement de l’URSS comme « la plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle »- et que le second aime à proclamer : « la réunification de la Géorgie est le but de ma vie »

Au-delà de la personnalité des deux hommes, ces conflits illustrent les difficultés de l’Europe à s’adapter à la nouvelle donne de l’après guerre-froide. Il est compréhensible que la Russie accepte mal l’amputation des Républiques qui, échappant à son emprise, ont rejoint l’UE et l’OTAN ou aspirent à le faire. Mais l’histoire a tourné la page. La Russie a perdu en espace géographique ce qu’elle a gagné en ressources énergétiques et minières, ainsi que financières pour redevenir la superpuissance qu’elle entend être. Moscou est indubitablement l’un des pôles d’affaires les plus dynamiques au monde.

Aussi y-a-t-il des raisons supplémentaires qui expliquent que ces conflits « gelés » perdurent. Ces raisons ont trait à l’approvisionnement du monde en énergie. La Géorgie est un pays de transit du gaz et du pétrole. C’est sur son sol que passe le fameux oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi- Ceyhan) – reliant l’Azerbaïdjan à la Turquie via la Georgie - entré en service l’an dernier en dépit des réticences du gouvernement russe. Or la réalisation de cette coûteuse infrastructure (3 milliards de dollars) s’inscrit dans la ligne de la politique de diversification des sources d’approvisionnement énergétiques poursuivie par l’Union européenne notamment. De manière générale, la Mer Noire est une région énergétique clé pour les Européens (Lire à ce propos les actes du colloque de l’IPSE sur la géopolitique de la Mer noire)

La politique étrangère européenne doit jouer son rôle

Certes l’affaire relève de l’ONU car elle met en cause le respect des principes du droit international, et singulièrement le principe de souveraineté de l’Etat géorgien et son intégrité territoriale. Mais comme on le voit, les membres permanents du Conseil de sécurité, en particulier la Russie et la Chine, d’un côté, les Etats-Unis et le Royaume-Uni et la France, de l’autre, auront du mal à s’accorder sur une position commune.

Il est urgent que l’Europe montre qu’elle est unie. Il est vrai que sa légitimité à réclamer l’intégrité de la Georgie est amoindrie par son acceptation de l’indépendance du Kosovo en dehors de toute validation par les Nations Unies. Souvenons-nous à cet égard des mises en garde de Vladimir Poutine qui n’avait pas hésité à comparer le cas du Kosovo à celui des deux provinces de Géorgie que sont l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

Malgré cette difficulté, les Européens sont fortement invités à prendre leur responsabilité dans cette région voisine de l’Union européenne. Il ne s’agit pas uniquement de bons sentiments, mais de notre intérêt bien compris. L’Europe s’affaiblirait dangereusement (songeons à la sécurité des Etats baltes) si elle acceptait sans broncher l’incursion de l’Armée russe dans des pays de la zone. Il faut réagir et vite.

Il serait dommage qu’à l’occasion de ce conflit, soit de nouveau mise en lumière les insuffisances de l’intégration politique de l’Europe qui l’empêche de participer efficacement à la stabilité politique de ce carrefour stratégique entre l’Europe et l’Asie.

Cercle des Européens

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