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Intervention du 28/05/08

10 ans de l’euro : Après l’Europe dans la poche, l’Europe dans le coeur

Après le Marché Commun et la méthode communautaire inventés par le Traité de Rome du 25 mars 1957, l’euro est la plus belle réalisation européenne.

Alors que l’on célèbre les dix ans du lancement de la troisième étape de l’Union économique et monétaire (UEM), il faut le dire et le redire : la monnaie unique est l’un des meilleurs atouts de l’Europe, et son impact est tout autant politique qu’économique.

Cette dimension politique ressort nettement des circonstances de sa création. Les initiateurs de l’euro ont tiré les leçons de la situation de l’Europe dans les années 30 lorsque – comme le mentionne Pierre Werner, ancien Premier ministre luxembourgeois, dans un discours prononcé en 1997 à la veille du Conseil européen fondateur de la monnaie unique – "les fluctuations des changes étaient énormes. L’instabilité monétaire entretenait une espèce de guerre économique et la pratique de dévaluations de compétition…" (Lire le discours de Pierre Werner sur l’histoire et les perspectives de l’euro, prononcé au Luxembourg, le 11 décembre 1997, sur le site ena.lu) . Cet état de fait n’a sans doute pas peu contribué au déclenchement de la guerre elle-même.

Ce n’est donc pas un hasard si le lancement de l’idée d’une Union économique et monétaire, allant infiniment plus loin qu’une Union douanière et même qu’un Marché commun, date des années 70, année de parution du rapport Werner sur le sujet. Il faut aussi rappeler que l’aboutissement de ce projet est le fruit d’une négociation entre la France et l’Allemagne, comme cela fut le cas pour toutes les grandes avancées européennes. Réticent face à une réunification de l’Allemagne annoncée dans le prolongement de l’effondrement du bloc soviétique, le Président français, François Mitterrand, obtint du Chancelier allemand Helmut Kohl l’abandon du Deutschemark comme gage de modération de la puissance allemande. Le geste était d’autant plus courageux que près des 2/3 de l’opinion allemande refusaient de renoncer à la monnaie nationale. La création de l’euro est le second acte de naissance du grand Marché européen fruits des efforts conjugués franco-allemands, d’abord, de la majorité des Quinze, ensuite.

Le jour à retenir est le 2 juin 1998. C’est le jour où le Conseil européen a formellement pris la décision historique de créer en même temps l’euro et la Banque centrale européenne (BCE) qui en est le corollaire. Sans la BCE, apte à mener une politique monétaire dans une vision à long terme, c’est à dire dégagée des impératifs liés à l’opinion publique du moment, l’euro n’aurait pas tenu le cap. Or, l’existence de l’euro a aidé les Européens à faire face aux crises, aujourd’hui la crise des "subprimes" et de l’envolée des prix du pétrole et des produits alimentaires ; hier celle des fluctuations de l’immobilier et de l’éclatement de la bulle internet. Dans tous ces cas, l’euro a évité les dévaluations dites compétitives à répétition qui amputaient autrefois le pouvoir d’achat des ménages. Le coup de tonnerre provoqué par la présence du Président du Front National au second tour de la présidentielle en 2002 aurait certainement conduit à ce type de dévaluation. L’euro nous en a protégé.

En 1998, tous les Etats ne se sont pas embarqués dans le train de la monnaie unique. 11 Etats membres sur 15 étaient qualifiés ou se qualifiaient pour abandonner leur monnaie nationale au profit de la monnaie européenne. Il s’agissait de la Grèce qui ne répondait pas aux critères de bonne santé économique requis (la Grèce a rejoint l’eurozone en 2001) ainsi que du Danemark, du Royaume-Uni et de la Suède. Anders Fogh Rasmussen, le Premier ministre danois, a annoncé son souhait de voir entrer son pays dans l’eurozone. Ce n’est qu’une question de temps. Les dirigeants suédois, peut-être moins déterminés, ont échoué jusqu’ici à convaincre la population des vertus de l’adoption de l’euro, rejeté par deux fois par référendum, en 1992 et en 2003. Mais la Suède est potentiellement membre de l’eurozone, et le sera réellement quand les électeurs en décideront. La situation est différente au Royaume-Uni. Les Britanniques, confrontés à l’inflation et au ralentissement de la croissance dus à la crise financière, commencent pour certains au moins à reconnaître les mérites de l’euro et de la BCE. Ils prennent conscience du fait que leur singularité monétaire ne les a pas spécialement protégés des effets de cette crise. Les pays entrants ont quant à eux tous manifesté leur désir de faire partie du club. La Slovénie, Chypre et Malte en sont déjà membres. La Slovaquie s’intégrera au groupe en 2009, et l’eurozone comportera alors 16 Etats membres pour une population de près de 330 millions d’habitants.

Pour ces habitants, l’euro est une formidable commodité. Plus n’est besoin d’effectuer les démarches nécessaires pour se munir de la monnaie du pays où ils se rendent pour raisons personnelles ou professionnelles. Il n’y en outre plus aucun risque de subir les fluctuations de change.

Mais surtout, l’euro dans la poche, c’est plus d’Europe dans le cœur !

Sur un plan strictement économique, les succès de l’euro sont patents. En supprimant tout risque de change, la monnaie unique a encouragé les entreprises à investir en dehors de leur marché domestique en toute tranquillité. Ceci explique le dynamisme des entreprises et l’ampleur du mouvement de concentration en marche en Europe dans la plupart des secteurs. Ceci explique également l’accroissement notable des investissements directs étrangers (IDE) en Europe, dont l’attractivité ne se dément pas. (Se reporter au rapport de la Commission européenne : "Successes et Challenges after 10 years of EMU")

Certes, on a pu constater une certaine mollesse de la croissance de l’eurozone, par rapport aux autres pays européens. Toutefois, les pays entrants sont en phase de rattrapage et leur taux de croissance est donc élevé. La croissance au Royaume-Uni, doublée d’un taux de chômage particulièrement faible, est le produit des réformes de Margaret Thatcher qui ont entraîné une forte flexibilité du marché de l’emploi.

Mais les temps risquent d’être bientôt plus rudes pour tous en Europe dans le contexte de prix chers de l’énergie et des matières premières.

C’est pourquoi, il faut penser à franchir une autre étape en instaurant une gouvernance économique qui garantisse la cohérence entre les politiques nationales. L’UEM comportait deux volets. Or un seul a été effectivement mis en place. L’Union est monétaire. Elle n’est pas encore économique.

Il existe bien un outil de gouvernance économique. Il s’intitule "Pacte de Stabilité et de Croissance". Régulièrement critiqué par les Etats qui ne le respectent pas en laissant filer les déficits et les dettes, c’est un instrument assez efficace. Il n’est pas toujours respecté. La France et l’Italie ont été les deux grands pays ayant le plus tardé à prendre les mesures qu’il implique. Il est toutefois frappant de constater que plus aucun gouvernement ne prétend pouvoir se dispenser de s’y conformer en mettant en œuvre les réformes structurelles nécessaires (se reporter ci-dessous aux critères de convergences fixés par le Traité de Maastricht). Les gouvernements demandent des délais, tentent de justifier leur retard, mais aucun ne remet plus en cause la finalité du Pacte lui-même. Le Pacte étant admis, on peut dire que son bilan est positif.

Mais le Pacte ne vise que les agrégats budgétaires et les comptes sociaux. Il ne touche pas au fond des politiques économiques et sociales, en matière de recherche et d’innovation, de formation, de structuration du marché du travail, etc. La coordination de ces politiques fait l’objet de l’Agenda de Lisbonne qui est loin d’avoir rempli ses objectifs. Le très intéressant rapport que Laurent Cohen-Tanugi vient de remettre au gouvernement français comporte précisément des propositions pour renforcer l’efficacité de la Stratégie de Lisbonne (Rapport de Laurent Cohen-Tanugi, Euromonde 2015 : une stratégie européenne pour la mondialisation). Certaines, rejoignant celles formulées par la Commission européenne dans son rapport sur l’EMU à 10 ans (voir ci-dessus), visent à créer des instruments de surveillance permettant de pointer un Etat dont les dérives économiques risquent de peser sur la stabilité de l’eurozone tout entière. L’institution chargée de cette surveillance serait très naturellement l’Eurogroupe qui deviendrait ainsi l’entité économique de l’eurozone, comme la BCE en est l’instance monétaire.

Le traité de Lisbonne fait sortir l’Eurogroupe de la clandestinité, en en faisant cependant une instance informelle. Il est très probable que celle-ci va s’institutionnaliser et qu’elle disposera à terme de services propres formés de fonctionnaires des ministères des finances des Etats. La formule va être expérimentée en ce qui concerne le Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’UE, qui sera doté d’un véritable service diplomatique plurinational. Il conviendrait sur ce modèle de faire du Président de l’Eurogroupe, un Haut représentant (et non pas un ministre en titre, ce que les Britanniques ne pourraient accepter) pour les Affaires économiques et monétaires qui, à l’instar du Haut représentant pour les Affaires étrangères, serait à la fois membre du Conseil et vice-Président de droit de la Commission européenne.

Ce serait la meilleure façon d’ancrer dans les institutions communautaires l’Eurogroupe, expression de la volonté des Etats de bâtir une Union non seulement monétaire, mais aussi économique. Et alors l’UEM existera vraiment !

Noëlle Lenoir, Paris, le 28 mai 2008


L’Union économique et monétaire en 2008

Quinze États membres de l’Union européenne utilisent l’euro comme monnaie : • Belgique • Allemagne • Irlande • Grèce • Espagne • France • Italie • Chypre • Luxembourg • Malte • Pays-Bas • Autriche • Portugal • Slovénie • Finlande

Pays ne participant pas à la zone euro : la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Suède et le Royaume-Uni sont membres de l’UE, mais n’utilisent pas à l’heure actuelle la monnaie unique européenne.

Critères de convergence et Pacte de stabilité

Dans le but d’assurer la convergence durable et un développement économique équilibré dans le cadre de la réalisation de l’Union économique et monétaire (UEM), le traité de Maastricht a fixé quatre critères de convergence qui doivent être respectés par chaque État membre pour être en mesure de participer à la troisième phase de l’UEM et donc d’introduire l’euro. L’examen du respect de ces critères de convergence se fait sur la base de rapports de la Commission et de la Banque centrale européenne (BCE).

Ces critères sont les suivants :

  • le rapport entre le déficit public et le produit intérieur brut ne doit pas dépasser 3%
  • le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut ne doit pas dépasser 60% ;
  • un degré de stabilité des prix durable et un taux d’inflation moyen (observé au cours d’une période d’un an avant l’examen) qui ne doit pas dépasser de plus de 1,5% celui des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;
  • un taux d’intérêt nominal moyen à long terme qui ne doit pas excéder de plus de 2% celui des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ; • les marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de taux de change doivent être respectées, sans connaître de tensions graves, pendant au moins les deux dernières années précédant l’examen.

Les critères concernant le déficit public et la dette publique doivent continuer à être respectés après l’entrée en vigueur de la troisième phase de l’UEM (1er janvier 1999). À cet égard, un pacte de stabilité et de croissance a été adopté lors du Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997. Il constitue l’instrument permettant aux pays membres de la zone euro de coordonner leurs politiques budgétaires nationales et d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs.

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