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Intervention du 10/09/07

A quand l’Europe de l’Energie ?

La dépendance énergétique grandissante de l’Europe pose la question de la sécurité d’approvisionnement du continent. Sur le modèle de la création de la CECA, il est temps que les Européens réfléchissent à la création d’une politique communautaire de l’énergie. Notre indépendance politique est en jeu.

Les récents rapprochements entre E.ON et Rurhgas en 2003, E.ON et ENDESA en 2006 et la fusion annoncée entre Suez et Gaz de France témoignent de la poursuite du mouvement de concentration des compagnies énergétiques en Europe. Cela suffira-t-il à garantir la sécurité d’approvisionnement d’un continent de plus en plus dépendant de l’extérieur pour son pétrole et son gaz ? Certainement pas.

D’abord, les acteurs internationaux non européens du secteur sont tout aussi concentrés. Les compagnies pétrolières et gazières des pays tiers sont géantes. Gazprom a par exemple une valeur de capitalisation avoisinant le montant du budget de la France ! Ensuite, en dépit de l’encouragement aux énergies renouvelables (dont la place est importante dans des pays tels que la Finlande et la Suède) ou du développement du nucléaire pour les pays qui en ont fait le choix (comme la France), l’Europe aura pour longtemps encore besoin de s’approvisionner en pétrole et en gaz. D’ailleurs l’Agence Internationale de l’Energie table sur une dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de l’extérieur de 70 % en 2030 (au lieu de 50 % actuellement), dont 100 % pour ce qui est du pétrole.

Ces chiffres auraient dû faire l’effet d’un électrochoc. Ils auraient dû amener les Européens, comme ils l’avaient fait dès les lendemains de la guerre lors de la création de la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier (CECA) par le traité de Paris du 18 avril 1951, à réfléchir à la mise en place d’une politique commune. Or dans le traité réformateur en cours de discussion au sein de la Conférence intergouvernementale constituée en juillet dernier, l’énergie fait une entrée timide. D’une part, bien sûr et c’est une bonne chose, le texte confirme la validité du traité Euratom auquel la France est particulièrement attachée en ce qu’il souligne l’intérêt du nucléaire civil. D’autre part, le projet de traité insère un nouvel article entièrement dédié à l’énergie.

Toutefois, en dépit de la détermination du Commissaire européen Andris Piebalgs, il n’y a pas de véritable rupture par rapport à la situation actuelle. Chaque Etat continuera de conduire sa propre politique énergétique. Les orientations générales en matière de réalisation d’infrastructures d’intérêt communautaire ne changeront pas fondamentalement. La décision du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 définit en effet déjà les orientations nécessaires à la réalisation de réseaux transeuropéens, considérés aujourd’hui comme un axe majeur du bon fonctionnement du marché européen de l’énergie. (Il est choquant de constater notamment qu’une entreprise comme EDF n’est pas toujours en mesure de fournir en suffisance de l’électricité aux voisins italiens ou espagnols, du fait de l’absence d’équipements d’interconnexion à la frontière entre la France et ces pays).

En faisant de l’énergie une compétence partagée entre les Etats et l’Union européenne, le projet de traité n’en trace pas moins la voie d’une politique communautaire. Des législations pourront intervenir, précise le nouvel article 176 A, pour assurer le fonctionnement du marché, la sécurité d’approvisionnement, l’efficacité énergétique dans un but d’économies d’énergie, le développement des énergies nouvelles et renouvelables et la réalisation d’interconnexions pour acheminer l’énergie d’un Etat à l’autre de l’Union. Le traité ménage également expressément, mais cette fois sur la base de l’unanimité des Etats (après consultation du Parlement européen), la possibilité d’une fiscalité énergétique européenne.

Un autre article de la version actuelle du futur traité ouvre la possibilité pour le Conseil, “dans un esprit de solidarité entre les membres”, de prendre “des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement de certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie”. En d’autres termes, les Etats ne laisseront pas l’un d’entre eux privé de ressources énergétiques au motif d’un différend avec un producteur extérieur, comme c’est parfois le cas lorsque la Russie fait pression sur ses anciennes Républiques baltes en leur coupant l’approvisionnement en gaz (comme elle le fait régulièrement s’agissant de la Georgie).

Il est frappant de constater que le futur traité en question conforte par ailleurs la souveraineté énergétique des Etats : que ce soit en ce qui concerne les conditions d’exploitation de leurs ressources (le nucléaire) ou la structure générale de leur approvisionnement (les contrats passés avec tel ou tel producteur ou distributeur).

N’est-il pas temps d’envisager une Europe de l’énergie ?

• Ce qui pourrait vouloir dire un programme largement financé par le budget de l’Union en matière d’infrastructures de réseau - en particulier les interconnexions. On pourrait imaginer un financement sur la base des ressources tirées d’une fiscalité énergétique européenne. On pourrait aussi affecter les fonds structurels non consommés par les Etats à un Fonds de modernisation en matière énergétique.

• Malgré le refus du nucléaire par certains Etats, dont il faut respecter le choix, semblable programme financier ne serait-il pas utile pour accélérer le renouvellement des réacteurs nucléaires des pays de l’Europe centrale et orientale (qui ont dû être fermés car ils fonctionnaient sur un modèle proche de celui de Tchernobyl) et moderniser de manière générale le parc nucléaire européen ?

• La politique énergétique européenne ne devrait-elle pas conduire à s’emparer du sujet de l’efficacité du dispositif de stockage stratégique de pétrole et demain de gaz (comme proposé par la France) ?

• Ne faudrait-il pas se pencher sur la question du perfectionnement du fonctionnement des marchés boursiers énergétiques qui commencent à se créer en Europe ?

• Au-delà de l’exigence de réciprocité vis-à-vis de nos partenaires extérieurs, comme la Russie qui ne devrait effectivement pouvoir prétendre investir en Europe si les Européens sont privés du droit d’accès à son propre marché, ne faudrait-il pas enfin songer à une gestion plus commune de l’approvisionnement énergétique de l’Europe ? Le demi milliard d’habitants et les quelques 25 millions d’entreprises que compte l’Union européenne constituent, s’ils s’unissent pour former un seul et même acheteur, une force commerciale bien plus considérable que chaque Etat pris isolément.

Ne pas utiliser cet atout, n’est-ce pas prendre le risque de voir notre indépendance politique progressivement réduite à la mesure de la dépendance énergétique de l’Europe.

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