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Entretien du 3/10/10

Europe 2020 et la France. Au-delà de la crise, préparer l’avenir

Ouverts par Michel Barnier, Commissaire européen chargé du Marché intérieur et des services, les travaux ont donné lieu à un assez large consensus sur la nécessité d’agir pour renforcer la compétitivité à long terme de l’économie européenne, notamment à travers le soutien à l’innovation et à la transition vers une croissance verte. Les intervenants ont, pour la plupart, mis en exergue la nécessité de financements conséquents appuyant la mise en œuvre des objectifs de la stratégie. Dans ce contexte, la proposition de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, exprimée lors du premier discours sur l’état de l’Union, le 7 septembre, à Strasbourg, et visant à la création d’emprunts obligataires européens pour financer de grands projets d’infrastructures, a reçu un écho largement positif.
Introductions

Dans son mot d’accueil, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Jacques Dermagne souligne la nécessité d’une stratégie ambitieuse à l’échelle de l’Union, seule à même de conjurer les difficultés économiques du présent. "L’UE n’a jusqu’à présent pas su inspirer un projet collectif porteur d’espoir. L’Europe a déçu les attentes des citoyens. L’UE doit devenir le symbole d’un impératif de solidarité", a-t-il déclaré. Europe 2020 a le mérite de faire émerger une politique industrielle à l’échelle de l’Union. Cependant, le succès de la stratégie dépendra des moyens politiques dont disposera l’Union, avertit M. Dermagne.

Anne Houtman, Chef de la Représentation en France de la Commission européenne, met en avant l’audace dont témoigne l’adoption d’Europe 2020. Et ce à double titre, puisque la stratégie cherche à la fois à bâtir un modèle économique pour le long terme, et fait confiance à l’être humain, en tablant sur la créativité et l’innovation.

Pour sa part, Noëlle Lenoir, Présidente de l’Institut de l’Europe d’HEC et du Cercle des Européens, souligne que la stratégie marque l’ancrage social et environnemental de l’Europe, en associant objectifs de croissance et lutte contre le changement climatique. Elle remet également, selon l’ancienne ministre, le thème de la politique industrielle au goût du jour. Elle conjugue enfin la logique de marché avec la nécessité d’une gouvernance économique.

Invité d’honneur de cette conférence, Michel Barnier pointe la nécessité d’un débat régulier sur les questions européennes, notamment sur la capacité de l’Europe à demeurer une puissance capable de faire entendre sa voix, d’agir et de peser au niveau mondial. Notre continent dispose de nombreux atouts pour mettre en place un nouveau modèle de développement, mais la croissance repose d’abord sur la confiance, souligne le commissaire européen au Marché intérieur, qui à ce titre a rappelé les progrès récents de l’Union en matière de gouvernance économique et les travaux en cours en matière de régulation financière. "Il n’y a pas de limite pour les bonnes idées, et c’est pour cela qu’il faut débattre", déclare le commissaire, évoquant son idée, présentée dans La Tribune le matin même, d’un livret d’épargne européen qui orienterait l’investissement vers les PME. Il appelle en outre à réfléchir à la mutualisation de certaines politiques nationales, par exemple en matière de recherche. "Réduire la fracture par l’institutionnel, c’était utile, mais ce n’était pas suffisant. Il faut aujourd’hui apporter aux citoyens des réponses économiques et sociales", a-t-il ajouté.

Chargé d’introduire les débats, Élie Cohen, directeur de recherche au CNRS, souligne que la stratégie Europe 2020 tire les leçons de l’échec de la stratégie de Lisbonne. Elle est "bienvenue et bien calibrée sur le papier ". Il reste en revanche aux Européens à s’interroger sur leur modèle de développement, et notamment, face aux déséquilibres macroéconomiques globaux qui le fragilisent, à définir une stratégie coopérative soutenable. L’économiste appelle les intervenants à ne pas postuler d’une convergence "naturelle" des objectifs des Etats membres ("il n’y a pas d’harmonie préétablie, il n’y a que des arbitrages") et à aborder de front les "questions qui fâchent". Parmi elles, se trouvent la structure industrielle des économies européennes, qui conditionne de fait la capacité d’investissement privé en recherche-développement des États membres, mais aussi l’attitude à adopter face à la stratégie monétaire et commerciale de la Chine.

1ère table ronde : L’Europe est-elle compétitive ?

Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), voit en Europe 2020 un "agenda utile", pour autant que les outils adéquats – Small Business Act, accès facilité au programme-cadre de R&D, adoption du brevet communautaire – favorisent la participation des PME, qui constituent, dans tous les États membres, un réservoir essentiel en matière de croissance, d’emploi et d’innovation.

À cet égard, François Drouin, président directeur général d’OSEO, met en évidence un lien étroit entre l’innovation, l’investissement et l’international : "94% des entreprises innovantes exportent dans les trois ans". Il estime par ailleurs possible d’étendre au niveau européen - et dans une logique de subsidiarité - les dispositifs existants en France de soutien à l’innovation dans les PME.

Corinne Lepage, Députée européenne (ADLE), estime que la transition de notre continent vers un modèle de croissance verte ne se limite pas au développement des énergies renouvelables, mais englobe une transformation globale de l’industrie du XXe siècle. Même si le nombre de créations nettes d’emplois ne doit pas être surévalué, les perspectives de développement paraissent formidables. Il convient pour cela d’adopter une vision plus large de la compétitivité, prenant en compte la qualité et le caractère soutenable de la production industrielle, estime la présidente de Cap 21.

Pierre Mongin, président directeur général de la RATP, met en avant le rôle des réseaux de transports en commun dans la réalisation des objectifs d’Europe 2020, tant sur le plan technologique, environnemental que social. Il regrette toutefois que les investissements dans les infrastructures de transports urbains ne soient pas ouverts au bénéfice des Fonds structurels. "Le secteur du transport urbain représente une opportunité de croissance importante. Nous avons de plus une responsabilité sociale forte. L’investissement doit être prioritaire et se faire en appui avec l’Europe, notamment dans le cadre de la stratégie Europe2020 et des révisions des Perspectives financières", souligne-t-il.

Acteur central de la réforme de la régulation financière en Europe, le député européen Jean-Paul Gauzès (PPE) relève une certaine "discordance" entre les paroles et les actes. En témoigne la difficulté des discussions en cours sur la directive relative aux fonds spéculatifs, dont il est rapporteur pour le Parlement européen. Soulignant qu’il faut "plus d’Europe et mieux d’Europe", le député met par ailleurs l’accent sur la nécessité de recourir aux outils communautaires, plutôt qu’à la méthode intergouvernementale, pour mettre atteindre les objectifs d’Europe 2020.

À ce propos, Xavier Prats-Monne, directeur à la Direction générale Emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, note qu’Europe 2020 vise à redonner confiance aux Européens, en leur capacité à réaliser leurs projets communs, par-delà leur diversité. Ainsi, l’objectif de 75% de taux d’emploi en 2020 devra-t-il faire l’objet d’une appropriation au niveau national. Il faudra aussi dépasser le stade déclaratoire, ne pas se contenter de mesures réglementaires. Cela implique notamment de veiller à rapprocher les systèmes d’éducation des besoins du marché du travail.

2ème table ronde : Faut-il avoir peur de la désindustrialisation ?

"On ne peut pas se passer d’industrie", déclare d’emblée Charles Beigbeder, fondateur et président du conseil d’administration de Poweo, président de l’association Croissance plus. Les pouvoirs publics, à l’échelle nationale comme communautaire, doivent favoriser un "écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat", tout en laissant l’autonomie nécessaire aux acteurs de terrain, laboratoires, "start up" et grandes entreprises : "inventer le futur, ça ne se décrète pas d’en haut".

L’industrie est le principal levier de croissance à long terme, notamment parce qu’elle concentre l’essentiel de l’effort de recherche-développement, souligne pour sa part Augustin de Romanet. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) estime en outre que les initiatives européennes doivent être renforcées et complétées, par exemple par d’autres entreprises communes sur le modèle de Galileo et César, mais aussi via l’amélioration des infrastructures de transport et d’énergie. D’autre part, il appelle à une réflexion sur l’investissement de long terme, qui pourrait contrer la tendance à une gestion de plus en plus court-termiste des portefeuilles d’actions : "nous avons besoin d’une économie de fonds propres, nous avons besoin d’investisseurs de long terme", indique M. de Romanet, qui imagine la création d’un fonds européen souverain, à l’image du Fonds stratégique d’investissement français.

Jean-François Dehecq, président d’honneur et fondateur de Sanofi Aventis, président du Comité national des États généraux de l’industrie, Vice-président de la Conférence nationale de l’industrie (CNI), appelle lui aussi à agir fermement contre la désindustrialisation, "car l’industrie, c’est ce qui structure la cohésion sociale d’un pays". Il propose d’agir au niveau des bassins d’emplois, à travers la promotion des carrières industrielles et l’évaluation de l’efficacité des dispositifs d’aide au regard de la création d’emplois. Dans cette perspective, M. Dehecq se félicite du caractère inclusif d’Europe 2020.

Le député européen Jean-Pierre Audy (PPE) attire l’attention sur deux points qu’il juge cruciaux : l’articulation entre l’Union et les États membres ("L’UE est une structure de moyens"), et la question des financements nécessaires à la mise en œuvre des objectifs de la stratégie. "Un grand plan d’investissement, de 1000 milliards sur 10 ans, manque cruellement à Europe 2020", estime le député européen, qui salue l’idée d’un grand emprunt européen destiné à financer des grands travaux d’infrastructure ; idée émise par José Manuel Barroso lors de son discours sur l’état de l’Union le 7 septembre dernier à Strasbourg.

Convenant avec les autres intervenants que la réindustrialisation est, avec le financement, la clef de la réussite d’Europe 2020, la députée européenne Pervenche Berès (S&D), invite à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour une croissance créatrice d’emplois et non polluante. Elle avertit en outre que la création de richesses sans solidarité est une impasse. La présidente de la commission de l’Emploi et des affaires sociales du Parlement européen appelle, comme M. Dehecq, à raisonner sur l’emploi au niveau local, tout en défendant, à l’autre bout de l’échelle, un patriotisme économique européen.

Il n’y a pas d’autre issue de que développer des réponses au niveau continental, estime aussi le député européen Henri Weber (S&D), qui appelle de ses vœux, à la faveur d’Europe 2020, la fin des stratégies de repli national et le retour du "volontarisme économique". Comme la plupart des autres intervenants avec des accents divers, le député européen juge bienvenue la proposition de lancement d’un emprunt obligataire européen. L’Europe avance souvent par à-coup, à la faveur des crises, rappelle Henri Weber, qui veut croire à un "second souffle".

Conclusions

Invité à clore les travaux, Jacques Attali, président de A&A, de PlaNet Finances et président de la Commission pour la libération de la croissance française, dresse le sombre tableau d’une Europe dépourvue de capacité collective d’action, au leadership politique déficient, et prenant le chemin, faute de menace structurante, d’un lent déclin, masqué par un endettement croissant. Pour autant, un scénario positif reste possible, si notre continent agit sans retard, en actionnant à la fois le frein de la réduction de la dette nationale – ce qui suppose un effort renouvelé de cohésion sociale, donc de réduction des inégalités –, et l’accélérateur de l’investissement européen.

La réception d’Europe 2020 en France apparaît assez consensuelle, conclut Noëlle Lenoir qui perçoit dans les débats du jour l’attente d’une Europe plus proactive que réactive et normative, une Europe capable de se mobiliser, à travers des outils existants ou à créer pour une politique d’investissement de long terme.

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